ACCIDENT NOCTURNE

La Chambre aux échos de Richard Powers

Par une nuit d'hiver, sur une route du Nebraska, Mark Schluter est victime d'un grave accident de voiture. Alertés par un appel anonyme, les secours le conduisent à l'hôpital où il plonge rapidement dans le coma. Sa soeur Karin revient dans sa ville natale pour être auprès de lui et découvre, sur la table de chevet, un message déposé par le mystérieux samaritain : "Je ne suis Personne mais ce Soir sur la North Line Dieu me conduit jusqu'à toi pour que Tu puisses Vivre et ramener quelqu'un d'autre". Lorsque Mark sort du coma, il ne reconnaît plus sa soeur, ni son chien, ni sa maison... Karin fait alors appel à Gerald weber, un éminent neurologue, pour essayer de "retrouver" son frère. Pendant que Weber étudie son cas, Mark tente de reconstituer la nuit de l'accident pour comprendre ce qui s'est passé. 

Richard Powers nous raconte l'histoire de Mark et de sa soeur, deux Américains autour de la trentaine élevés par des parents agriculteurs, violents et puritains, au fin fond du Nebraska. Contrairement à son frère, Karin s'est appliquée à fuir son Kearney natal et elle va découvrir que son absence a laissé Mark sans repère, éternel adolescent. Il y a également Weber, brillant chercheur reconverti dans les ouvrages de vulgarisation à succès, qui s'interroge sur l'orientation qu'il a choisie. Le style est magnifique : certains passages sont d'une poésie époustouflante et les descriptions feraient pâlir les maîtres du genre. Les premières pages notamment sont à tomber. Le contexte est très bien choisi : une ville paumée où se regroupent les grues du Canada au cours de leur migration, la lutte pour la sauvegarde de l'environnement, l'Amérique de Bush où la chasse aux sorcières est enterrinée par le Patriot Act... Un livre dont le militantisme est servi par une écriture brillante. Enfin les passages "neurologiques" sont stupéfiants (ayant quelques connaissances en neurosciences, je peux certifier que Powers est extrêmement bien documenté) ! Ce livre est un monument : sans aucun doute ma plus grande émotion littéraire depuis La vie nouvelle de Dante.